mercredi 25 avril 2007

Les enjeux du conflit au Journal de Québec (selon la CSQ)

J'attendais impatiemment que quelqu'un se donne la peine d'expliquer les enjeux sous-jacents au conflit qui oppose Quebecor à ses syndiqué-es du Journal de Québec. À ma grande surprise, l'analyse tant attendue est venue d'ailleurs.... du président de la CSQ (!?).

La CSQ solidaire

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) tenait à saluer le lancement du premier quotidien gratuit de la Capitale, le journal MédiaMatin Québec, produit par les 280 salariés en lock-out du Journal de Québec et à assurer les syndiqué-es de la solidarité de ses membres. Mais le syndicat voulait surtout dénoncer ce qu'il considère comme les risques dangereux, pour la libre circulation des idées, que représentent les orientations convergentes de l'empire Quebecor.

Des enjeux globaux

Le président de la CSQ, M. Réjean Parent, soutient que la lutte qui oppose les travailleuses et les travailleurs du Journal de Québec à leur employeur, dépasse le conflit de travail traditionnel et interpelle l'ensemble de la population québécoise.

"Un empire ne décrète pas aussi sauvagement un lock-out contre ses employés sous prétexte de rentabilité lorsque l'entreprise fait des profits d'un demi-million $ par semaine et d'environ 26 millions $ par année" s'exclame le président de la CSQ. Le syndicaliste enseignant se dit convaincu que les enjeux qui se dessinent derrière le conflit de travail au Journal de Québec vont bien au-delà de simples questions de rentabilité pour un empire dont la voracité semble sans limite.

La CSQ croit qu'il faut voir une autre intention, cachée, qui elle nous concerne tous. Cette intention pour la centrale syndicale c'est la volonté de pousser encore plus loin la logique de la concentration des médias pour en arriver à abattre les cloisons entre les salles de rédaction des diverses entreprises médiatiques de l'empire, afin que le travail d'un seul journaliste finisse par servir à l'ensemble du groupe.

"Après avoir mis la main sur une grande part des médias écrits au Québec et du Groupe TVA, en promettant de respecter l'indépendance des salles de rédaction de ses divers médias, Quebecor renie maintenant ses engagements et enclenche, avec le lock-out au Journal de Québec, son grand coup de force visant à asservir ses journalistes aux seuls intérêts économiques de son empire. La population doit manifester son opposition à une telle manoeuvre qui dépasse largement les simples intérêts économiques d'un groupe de presse. Les entreprises de presse ont un devoir fondamental à l'égard du droit du public à l'information et il est clair que les visées de Quebecor enfreignent ce devoir et menacent le respect de ce droit", explique M. Réjean Parent.

Menace pour le droit à l'information

M. Parent soupçonne les grands patrons de Quebecor d'avoir oublié la raison d'être première de médias d'information. "Les entreprises médiatiques ne sont pas des entreprises comme les autres. Leur raison d'être n'est pas la simple fabrication d'un produit à des fins de vente et de profitabilité. Elles ont également un devoir social, celui d'informer, qu'elles ne peuvent éviter. Et j'ajouterais de bien informer. Malheureusement, il semble bien que certains personnes chez Quebecor ont tendance à oublier cette mission de leurs entreprises, pour ne les voir que comme des machines à fabriquer de l'argent sans autre égard", déplore M. Réjean Parent.

La convergence façon Quebecor menace le droit à l'information selon le président de la CSQ. "Si l'empire Quebecor parvenait à ses fins, cela signifierait que l'on réduirait, du jour au lendemain, les sources d'information comme une peau de chagrin. Ce qui est inacceptable parce que par le fait même, on viendrait de porter un dur coup à la qualité et à la diversité de l'information offerte à notre population", prévient le président de la CSQ.

Par ricochet, c'est une certaine conception du débat démocratique qui est menacé. "Des sources d'information moins nombreuses ont un impact direct sur la qualité du débat démocratique au sein d'une société. Les citoyennes et les citoyens du Québec doivent donc s'opposer à une trop grande polyvalence des journalistes des médias propriété de Quebecor parce que cela desservirait le droit du public de recevoir une information de qualité", soutient le dirigeant syndical.

Mauvais pour les régions (en plus!)

Le président de la CSQ appuie également le combat des employés du Journal de Québec contre une plus grande concentration de l'empire Quebecor à cause des graves conséquences économiques que cela entraîne dans les régions où sont établis les médias de Quebecor. "Ce n'est pas normal qu'un empire quel qu'il soit dont l'enrichissement dépend de l'ensemble des régions du Québec, dont la Capitale, fasse tout ce qu'il peut pour réduire sa présence dans ces mêmes régions en rapatriant le plus possible ses activités dans un même lieu, au détriment de la santé économique de ces régions et des gens qui y vivent. Une telle approche ressemble plus à du vampirisme économique des régions par un empire qu'à un sain apport à l'activité économique d'une communauté", n'hésite pas à dire M. Réjean Parent.

Appel à la mobilisation

La CSQ lance un appel à tous : leaders, journalistes, syndiqué-es, quidams. M. Réjean Parent interpelle d'abord les leaders au Québec, provenant de tous les milieux, à se sentir concernés par ce qui se passe au Journal de Québec et à prendre position dans le dossier. Il s'adresse particulièrement à l'ensemble des députés siégeant au Parlement, membres du gouvernement, du parti au pouvoir ou des partis de l'opposition. Dans un deuxième temps, le président exhorte l'ensemble des journalistes de l'empire Quebecor, et particulièrement ceux à l'emploi du Journal de Montréal, à soutenir leurs collègues du Journal de Québec et à avoir le courage de résister aux ambitions inquiétantes de leur employeur, au nom de ce droit du public à l'information qu'ils disent tous servir.

"Pour ma part, je tiens à assurer les travailleuses et les travailleurs du Journal de Québec qu'ils peuvent compter sur la solidarité de la Centrale des syndicats du Québec et de ses 175 000 membres. La CSQ profitera de ses diverses instances pour encourager les travailleuses et les travailleurs qu'elle représente, dont ses milliers de membres dans la région de Québec, à soutenir le nouveau journal MédiaMatin Québec et ses artisans dans le combat qu'ils osent livrer et dont l'issue nous affectera tous", conclut le président de la CSQ, M. Réjean Parent.

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Au Québec, outre quelques groupes isolés et une poignée de profs d'université, il y a trois grandes organisations représentatives du milieu médiatique qui auraient pu expliquer les enjeux du conflit : la Fédération nationale des communications (CSN, la moitié des syndiqué-es des médias), le SCFP (FTQ, l'autre moitié) et la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). On attend toujours. Devant le silence des principaux acteurs, c'est donc le syndicat historique des profs du primaire et du secondaire, la CSQ, par la voix de son président Réjean Parent qui s'est mouillé le premier. Un prof, donc, qui vient nous expliquer pourquoi le conflit nous concerne tous et toutes et pourquoi il faut soutenir les lock-outés. Les journalistes passent leur vie à écrire, analyser, commenter mais quand finalement il y a un conflit qui les concerne directement, ça prend un outsider pour venir dire tout haut ce qu'ils se disent entre-eux dans leurs congrès et leurs publications internes. J'ai mon voyage...

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MISE-À-JOUR - Le trésorier de la FPJQ me fait remarquer que la Fédération, qui regroupe journaliste cadres et journalistes syndiqués, n'intervient jamais dans les conflits de travail.

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