Déception ! Il n'y a pas d'autres mots. Ce matin les lock-outés du Journal de Québec sortaient un journal gratuit. MédiaMatin Québec, c'est le nom du journal, doit, selon le communiqué du SCFP, sortir du lundi au vendredi et "couvrir l’ensemble de l’actualité, [avec] une place centrale aux nouvelles de la Capitale nationale". Le porte-parole syndical souligne que l'ensemble des lock-outés mettent l'épaule à la roue, très fier de son coup (il y a de quoi), il ajoutait que "grâce à cet effort collectif, nous disons aujourd’hui à la population de Québec, voici vos nouvelles locales!" Et merde...
MédiaMatin Québec c'est exactement la formule du Journal de Québec mais "en mieux". Encore plus percutant, plus sensationaliste, plus populiste, tout en couleur. C'est Sexe, sang, sport puissance 10, sans les chroniques politiques de droite imposées par la direction.
Qu'on en juge, l'équipe syndicale fait sa 'Une' avec une nouvelle 'exclusive', le titre est un programme en soi : Gangs de rue à Québec, l'ennemi numéro un. Suit un article en page 3 portant sur la création d'une escouade d'enquêteurs à la Police de Québec (et la photo du flic prend le 3/4 de la page). En 4 on tombe dans le 'human interest' avec un énième texte sur la "mort tragique de Maxime Jean" (un enfant tué dans un incendie il y a une semaine). Les photos prennent le 2/3 de la page. En page 5 c'est un texte qui nous apprend que "Le pédophile Bégin doit oublier Longueuil" (avec une photo d'une demi-page où "le pédophile Bégin" tente de se cacher le visage à la sortie du pénitentier). En 6 on apprend qu'une "accusation formelle [sera portée] contre le conducteur" dans une affaire de street racing (on apprend aussi que "la [rivière la] Chaudière déborde" et qu'il y a eu un "Incendie à St-Nicolas". En page 7 on parle du record de température d'hier et, oups!, un texte d'opinion (le seul, sur le déclin prévisible de Québec). Et ça continue : nouvelle sensationnelle sur "les anarchistes" qui promettent "de la désobéissance civile" contre la guerre en Afghanistan (et au passage un groupe communautaire y est qualifié de regroupement d'anarchistes), nouvelle sur "l'historien Russel Bouchard qui devient femme" (photos à l'appui!), la page culturelle sur "René Simard qui se paie un show à la New-Yorkaise" et les éternelles "nouvelles du sport" (avec, en prime, la deuxième chronique d'opinion du journal). Dans le lot, un seul texte vraiment intéressant dans lequel le vieux routier Régys Caron donne l'opportunité aux syndiqué-es de la ville de répondre à la mairesse sur "l'explosion de la masse salariale"...
Finalement, ce qu'il faut comprendre c'est que les journalistes du Journal de Québec sont bien content de faire le genre de journalisme qu'ils et elles font puisque, même sans patrons, ils et elles publient le même genre de journal... Une seule nuance, à priori MédiaMatin Québec est populiste mais n'est pas à droite. C'est peut-être là la seule différence avec le "vrai" Journal de Québec. D'ailleurs, historiquement, plusieurs grands quotidiens populaires étaient de gauche (France Soir, The Daily Mirror).
MISE-À-JOUR - Réflexion faite je sonne sans doute trop négatif. Sortir un quotidien gratuit est un coup de génie et une preuve d'audace incroyable. Comme je l'ai écrit plus tôt, c'est un évènement de portée historique (et c'est bien pour ça que j'avais peut-être trop d'attentes). Indépendamment de mes réserves, il faut reconnaitre que dans son genre MédiaMatin Québec est supérieur au Journal de Québec (et de loin). La direction de Quebecor pensait peut-être faire croire au public qu'elle n'avait pas vraiment besoin de ses syndiqué-es pour sortir un journal. Les syndiqué-es, de leur côté ont fait la preuve par A + B que même sans grands moyens leur produit est meilleur que celui de leurs patrons. En un mot, ils et elles sont essentiels au Journal. C'est pas rien ça. J'espère juste que dans les prochains jours MédiaMatin Québec osera parler de la nouvelle de l'heure à Québec : le lock-out au Journal de Québec (c'est quand même hot de sortir un journal de 24 pages et de ne mentionner le lock-out qu'en passant, au détour d'un texte de présentation). Moi j'aimerais ça que MédiaMatin Québec m'explique les enjeux de la convergence en général et de ce conflit en particulier selon le point de vue des syndiqué-es.
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