Le juge Laurent Guertin, de la Cour supérieure, a rejeté hier la demande d'injonction interlocutoire de Quebecor pour faire cesser la parution de MédiaMatin Québec, le quotidien gratuit lancé par les lockoutés du Journal de Québec à titre de moyen de pression. En conséquence, les syndicats annoncent la poursuite de l'aventure et menacent d'une augmentation des moyens de pression.
Le jugement
Dans sa demande d'injonction, Quebecor arguait du devoir de loyauté de ses employé-es et du préjudice grave que lui causait la publication du quotidien gratuit. Le juge reconnaît que, même en situation de grève ou de lock-out, les employé-es restent des employé-es et qu'ils ont un devoir de loyauté et de discretion. Concrètement, ça veut dire que les employé-es, même durant un conflit de travail, ne peuvent poser aucun geste qui poserait un préjudice grave à l'employeur. Les lockoutés du Journal de Québec ne pourraient pas, par exemple, passer au Soleil et fournir des renseignements confidentiels sur leur ancien journal. Ceci dit, la loi reconnaît également que les syndiqué-es en conflit ont le droit d'exercer des moyens de pression qui, forcément, vont nuire à l'employeur. Traditionnellement, la Cour reconnaît le droit aux syndiqué-es de faire du piquetage et reconnaît deux finalités au piquetage : l'information du public et l'exercise de pressions sociales et économiques sur l'employeur.
Le juge Laurent Guertin assimile la publication du quotidien gratuit des lockoutés à un moyen de pression. Pour lui, c'est comme du piquetage. C'est donc légal et il est normal pour lui qu'un tel moyen de pression nuise au Journal de Québec. Le juge écrit: «ici les syndiqués ont choisi de publier un journal au lieu de limiter leur moyen de pression au piquetage conventionnel (...) Ils ont décidé de publier un journal au lieu de seulement publier des tracts. Ils ont décidé de publier un journal au lieu d'inviter la population de Québec à boycotter le [Journal de Québec]». Et il ajoute : «la Cour suprême reconnaît que le piquetage syndical a pour but de causer un préjudice économique à l'employeur en vue d'obtenir un réglement favorable du conflit. En fait, tous les moyens de pression exercés par les salariés en grève ou en lock-out ont pour but de causer un préjudice économique à l'employeur pour forcer celui-ci à négocier et consentir, en tout ou en partie, aux demandes des syndiqués. Si le moyen utilisé par le syndicat est efficace et crée un préjudice économique à l'employeur, le Tribunal n'a pas à intervenir pour faire cesser ce moyen de pression efficace.»
Au final, le juge considère qu'accorder l'injonction à Quebecor et ordonner la fin de la publication de MediaMatin Québec serait une atteinte à la liberté d'expression des syndiqué-es et une limitation de leur droit de faire des moyens de pression. Le Journal de Québec risque de perdre des lecteurs durant le conflit au profit du quotidien gratuit? «C'est un risque que [Quebecor] a assumé en décrétant le lock-out», écrit le juge Guertin.
Suite des choses
Évidemment, le jugement a été accueilli avec joie par les syndiqués. Le porte-parole des lockoutés, Denis Bolduc, a déclaré que «Quebecor se trompe de forum. Ce n’est pas devant les tribunaux que le conflit va se régler, mais à la table de négociation». Les syndiqués entendent continuer de publier leur journal gratuit. Ils menacent maintenant d'aller encore plus loin, advenant le cas où les négociations ne reprendraient pas rapidement, et de commencer à se mettre sérieusement à la recherche d'annonceurs...
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