Le salaire minimum toujours sous le seuil de la pauvreté
Lettre d'opinion publiée dans le quotidien le Journal de Montréal le 7 mai 2007
Le gouvernement Charest rejette l'idée d'emboîter le pas à l'Ontario, qui s'est engagée à augmenter à 10,45 $ l'heure le salaire minimum d'ici trois ans. Le gouvernement choisit plutôt de maintenir plus de 129 000 salarié-es québécois sous le seuil de la pauvreté.
Le nouveau ministre du Travail, David Whissell, a qualifié « d'avancement important » la dernière hausse qui fait passer le salaire minimum de 7,75 $ à 8 $ l’heure.
Je tiens à signaler au ministre que cette hausse permet à peine de maintenir le pouvoir d'achat des petits salariés. Pour une personne qui travaille 40 heures par semaine à 8 $ l'heure, la hausse de 25 cents représente un faible ajustement de 10 $, portant ainsi son salaire à 320 $ par semaine ou 16 640 $ par année, salaire qui se retrouve toujours à 21 % sous le seuil de faible revenu établi par Statistiques Canada. C’est inadmissible dans une société qui se veut juste et équitable.
Le ministre déresponsabilise les entreprises lorsqu’il utilise l’argument du coût de la vie faisant miroiter que le logement, l’électricité, les services de garde, l’assurance médicament coûtent moins cher au Québec qu’en Ontario. Il s’agit de choix de société que les Québécoises et les Québécois ont faits, dont les entreprises profitent tout autant que les salariés.
L'État est responsable
Sur une question aussi sensible que le salaire minimum, tout le monde doit se responsabiliser. L’État est responsable de la qualité de vie des citoyens. Il doit leur consentir un salaire minimum décent. C’est ainsi que le gouvernement devrait instaurer une formule de redressement qui permettrait, sur un certain nombre d'années, de hausser le taux horaire de base au niveau du seuil de faible revenu. Nous ne parlons pas, ici, de choc économique mais d’un étalement dans le temps. Il s’agit d’encourager la responsabilité sociale des entreprises.
Monsieur le ministre, ne soyez pas démagogue. Je vous rappelle que l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une loi visant à contrer la pauvreté et l’exclusion sociale. Ne pas fixer d'échelon et aller au cas par cas, année après année, pour réviser le salaire minimum, c’est maintenir les petits salariés du Québec dans un état de pauvreté.
Compétitivité ?
Il convient ici de distinguer les entreprises qui opèrent sur le marché québécois de celles qui sont en concurrence avec des entreprises étrangères. Pour les premières, la question de la compétitivité ne se pose pas puisqu’elles évoluent dans le même environnement. Autrement dit, la législation du salaire minimum les affecte de façon égale. Une très grande majorité des salariés au salaire minimum (90 %) travaillent dans des entreprises très peu soumises à la concurrence étrangère. Ces entreprises se retrouvent essentiellement dans l’hôtellerie, la restauration et le commerce de détail. L’argument de la compétitivité peut difficilement être invoqué.
64 cents de l'heure
Quant aux secteurs comme le textile, le vêtement ou le meuble, comment pourrions-nous concurrencer le salaire minimum en vigueur en Chine, qui est de 64 cents l’heure? À la CSN, nous misons plus sur la qualité, la recherche, l’innovation et le développement de créneaux à valeur ajoutée. Il serait fondamentalement injuste que, pour des questions de compétitivité étrangère, les petits salariés québécois portent seuls les conséquences économiques de la mondialisation, alors qu’elles devraient être réparties sur l’ensemble de la société.
Claudette Carbonneau
Présidente
Confédération des syndicats nationaux
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