Une attaque frontale
Pour la FTQ et la CSN, le projet de loi adéquiste est une attaque frontale, ni plus ni moins. «C’est un projet de loi bâclé, rédigé dans un objectif purement opportuniste et populiste et qui dénote une méconnaissance grave du dossier», a lancé Henri Massé, président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ).
«Mario Dumont se berce d’illusions s’il croit régler quoi que ce soit en s’attaquant à un des droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses. Le chef de l’ADQ joue aux apprentis sorciers. Son projet porte atteinte à la libre négociation, bouleverserait les relations de travail et s’attaque de façon insidieuse au droit de grève de milliers de salariés», a poursuivi le président de la FTQ.
Claudette Carbonneau, la présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), renchérit : «Le projet de loi adéquiste ouvre la porte à des dérives importantes. Si on pousse le raisonnement du chef de l’ADQ, chaque fois que la population subirait quelque inconvénient d’une grève, elle pourrait demander à ce que le droit de grève des travailleurs soit retiré ! Un régime de relations de travail digne d’une république de banane ! Ce faisant, le chef de l’ADQ tente d’exacerber un antisyndicalisme primaire et de se faire du capital politique sur le dos des travailleuses et des travailleurs. C’est totalement inacceptable.»
L'ADQ n'a rien compris à la notion de service essentiel
Selon la CSN, le projet de loi adéquiste rompt l’équilibre qui existe depuis plus de 20 ans au Québec en matière de relations de travail. La CSN rappelle que le Code du travail reconnaît, en effet, que la notion de services essentiels doit être liée à la santé et à la sécurité des usagers et non aux inconvénients qu’ils subissent, et ce, conformément aux grandes conventions internationales du travail.
La FTQ affirme que Mario Dumont joue sur les mots et oublie volontairement la définition légale d’un service essentiel. «Au Québec, un service est jugé essentiel lorsque son absence met en danger la santé ou la sécurité de la population. Qu’une grève dans les transports en commun provoque des désagréments, c’est évident et c’est normal. Faire une grève qui ne dérange personne ne constituerait pas un moyen d’action très efficace pour les travailleurs. Ceci étant dit, on est loin d’une menace à la santé des citoyens», plaide Claude Benoît, président du syndicat des chauffeurs d'autobus et opérateurs de métro de la STM.
Rompre l'équilibre en faveur des patrons
La FTQ est d'avis qu'il n'y a rien qui justifie le projet de loi puisque ses membres à Montréal --les chauffeurs de bus et de métro-- n'ont pas fait grève depuis 20 ans. «Dans les deux dernières décennies, nos membres ont toujours réussi à s’entendre avec l’employeur. Des conventions négociées, sans conflit, ont toujours été signées. La formule actuelle est gagnante pour les deux parties», souligne Henri Massé.
Pour les syndicats, le projet de loi adéquiste rompt l'équilibre en faveur des patrons. «Comment voulez-vous régler un conflit avec 80% du service rendu? Cette mesure ne ferait que prolonger les conflits de travail et pourrir les relations entre les parties. Il n’y aurait plus de pression sur personne! Pas d’incitatif à régler ni pour une partie ni pour l’autre. Est-ce que c’est cela qu’on veut?», s’interroge le président de la FTQ.
Pour la CSN, les interventions de l'opposition officielle ont eu pour effet de politiser le conflit à la STM et d'envenimer la situation. Selon Claudette Carbonneau, «le populiste chef de l’ADQ, Mario Dumont, continue de trouver des solutions simplistes à des problèmes complexes. Il en remet après son intervention tout à fait inappropriée lors du conflit de travail à la STM, qui a initié une intervention tout aussi injustifiée et prématurée du gouvernement.»
Du côté de la FTQ, on souligne au passage (sans adhérer à l'idée) que si l'ADQ avait vraiment voulu respecter l'équilibre entre les parties, elle aurait proposé l'arbitrage obligatoire comme cela existe pour les pompiers à qui on refuse également le droit de grève. «Ce projet de loi n'apporte rien pour régler les conflits de travail potentiels et nie à toutes fins pratiques le droit de grève, ce qui pourrait faire en sorte qu'on se retrouve avec d'autres sortes de conflits larvés qui vont pourrir les relations du travail. La FTQ n'a jamais réclamé l'arbitrage parce que nous croyons à la libre négociation mais, encore une fois, mieux vaudrait l'arbitrage que les solutions amenées dans ce projet de loi» a déclaré Henri Massé.
Les deux centrales syndicales appellent les autres partis à battre le projet de loi.
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L'ironie du service essentiel
Il est tout de même ironique de voir les élus de l'Assemblée nationale se mêler d'intervenir dans les conflits touchant le transport en commun et prendre le parti des pauvres usagers. Après tout, en temps normal, ils s'en sacrent de ce service soit disant essentiel!
En effet, le gouvernement du Québec n'a eu de cesse depuis 15 ans de se désengager du financement du transport en commun. Soulignons que de 1991 à 2003 la contribution du gouvernement du Québec a diminué de moitié. Durant cette période, les municipalités ont presque dû doubler leur part de financement sans parler des hausses de tarifs refilées aux usagers. Si on avait appliqué la même logique à l'automobile, il y aurait aujourd'hui des postes à payage sur toutes les routes et tous les ponts !
Si jamais le gouvernement du Québec voulait revenir au niveau de financement de 1991, il faudrait qu'il injecte 500 M$ de plus par année en financement de base. Entre le désengagement gouvernemental et l'activisme syndical, on se demande bien ce qui perturbe le plus ce "service essentiel".
Y'a-t-il des alternatives à la grève?
Les syndicats du transport en commun carburent encore, comme les autres, au mythe de la grève générale illimitée. Force est d'admettre qu'à moins de vouloir (et pouvoir!) faire éclater l'encadrement légal du droit de grève, ce type de moyen de pression est de moins en moins efficace. La récente grève de Montréal a en ce sens battu tous les records : 8 heures de services par jour; 68% des usagers qui ne se disent pas incommodés par la grève; 70% des heures travaillés. Et pourtant, après seulement 36 heures, le gouvernement a sorti la menace d'une loi spéciale.
Même si tout est fait pour accommoder les usagers, il est clair que les médias ont les reins assez solide en cette période antisyndicale pour retourner l'opinion publique contre les syndiqués et présenter l'évènement comme une catastrophe naturelle. Dans ce contexte, nombreux sont les intervenants de gauche qui implore les syndicats de trouver une alternative à la grève. Il est évident que les syndicats doivent absolument travailler plus fort pour convaincre le public du bienfondé de leurs revendications. Cette fois le syndicat a tenté de parler aux médias. C'est un net progrès. Mais c'est insuffisant. Les syndiqués doivent également prévoir des moyens alternatifs d'information et au moins essayer de lutter un peu plus avant d'y aller pour la totale (je ne sais pas moins, multiplier les manifs, les actions, diffuser massivement des tracts au public, etc.) Mais tout cela ne remplace pas la grève...
L'idée qui ressort le plus en matière d'alternative est la gratuité. Outre le fait qu'elle place d'entrée de jeu les grévistes sur le terrain de l'illégalité (et donc les rends sujet à répression), cette idée ne peut s'appliquer qu'à une seule catégorie de grévistes : les chauffeurs et opérateurs de métro. Donc, c'est inaccessible pour les employés d'entretien. De plus, je n'ai pas de chiffres précis mais il y a fort à parier que la majorité des usagers voyagent avec des passes et ne paient pas chaque déplacement. Donc l'efficacité ne seraient pas nécessairement au rendez-vous (remarquez suffirait peut-être de tomber en grève au tout début du mois)... Bref, je ne suis pas convaincu.
Ceci dit, j'ai peut-être une idée concernant les employés d'entretien. Pourquoi ne s'inspireraient-ils pas de la fonction publique en faisant une grève totale mais ciblé la prochaine fois? Par exemple, ils pourraient fermer complètement le service de ménage et garder ouvert tout ce qui concerne l'entretien mécanique et la sécurité. Comme ça les usagers n'auraient aucune coupure de service mais le système serait de plus en plus sale et crasseux. Je suis à peu près sur que ça aurait autant d'impact que les grèves actuelles. C'est une idée comme ça...
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P.S.: quelqu'un pourrait-il dire à l'ADQ que les lois n'ont jamais empêchés les grèves dans le transport. Par exemple, à New York, les syndicats du transport en commun n'ont pas le droit de grève. Pourtant, il y a eu une grève illégale (et totale!) il y a tout juste deux ans. Quand la situation est assez pénible, les syndiqués trouvent toujours le courage de sortir, même si c'est suicidaire. Parlez-en aux infirmières...
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