Depuis un an, les groupes communautaires passent pour des hurluberlus parce qu’ils continuent d’appuyer frénétiquement sur le bouton panique de la « crise du logement ». Jusqu’à la dernière minute, les médias et les autorités politiques ont choisi de regarder ailleurs en répétant sans arrêt que « jusqu’ici tout va bien ». Or, comme chacun sait, « ce qui compte, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrisage »… Et, comme c’était prévisible, une vingtaine de familles de Québec se sont écrasées au sol parce qu’on avait omis de tendre un filet de sécurité pour amortir leur chute.
La chute
La crise du logement est omniprésente dans la région de Québec. On y est tellement habitué qu’on ne la voit plus. Pourtant, elle est toujours là. Les chiffres sont têtus et ceux de la SCHL, publiés au printemps dernier, indiquent que, loin de s’améliorer, la situation s’est détériorée à Québec. Le taux d’inoccupation est passé de 1,4% l’automne dernier à 0,9% ce printemps alors que, comme on commence à le savoir, l’équilibre devrait se situer autour de 3%. Dans ce contexte, il était écrit dans le ciel qu’il y aurait des perdant-es lors du grand jeu de la chaise musicale du premier juillet.
Ce qui devait arriver arriva. En effet, vingt-et-un ménages –dont plusieurs familles—sont allés cogner aux portes des groupes communautaires les semaines précédant le jour J du grand déménagement. Une cinquantaine d’hommes, de femmes et d’enfants qui risquent fort de se retrouver à la rue. La différence fondamentale avec les années passées? Il est presque impossible d’émouvoir qui que ce soit avec leur cas. « Arrangez vous avec vos petits » semble être la réponse globale de tout un chacun. Au mieux certaines radio proposent-elles de lancer des « appels à la population » pour repérer des logements libres. Certain-es vont même jusqu’à murmurer que, dans le fond, si des pauvres et du monde qui n’ont pas toute leur tête se mettent dans le trouble, c’est quand même pas la faute du gouvernement…
Ponce Pilate
« Le gouvernement du Québec s’en lave les mains » s’insurge Véronique Laflamme, porte-parole pour la région de Québec du FRAPRU en cette période de crise du logement. Les autorités ont attendues à la toute dernière minute –le 27 juin!—avant d’annoncer des mesures dans l’espoir qu’un maximum de ménages règlent leur problème tout seul. « On repousse dans le privé un problème de société, pense la porte-parole du FRAPRU, le gouvernement espère que les ménages se louent un logement inadéquat, un taudis ou quelque chose de trop petit, trop cher, n’importe quoi pour ne pas être à la rue… bref on veut éviter d’avoir des sans-logis, quitte à grossir le nombre de mal-logé-es. »
La Ville de Québec de son côté prétend qu’organiser des mesures d’urgence n’est pas dans son mandat. Certains responsables osent même dire que ce n’est pas tant la crise du logement qui est en cause que des problèmes de pauvreté et de santé mentale. Selon la militante, les autorités tentent de marginaliser les personnes qui sont à risque de devenir sans-logis. « Il y a toute sorte de monde dans les ménages qui ont contactés les groupes communautaires : des familles et des personnes seules, des « de souche » et des immigrant-es, des salariés et des personnes assistées sociales, bref, c’est un problème généralisé » précise Mme Laflamme, « la Ville de Québec est dans le champ quand elle prétend que c’est une question relevant des groupes communautaire ou de la santé et des services sociaux ». En dehors de renvoyer publiquement la balle au gouvernement, la Ville de Québec n’a fait aucune représentation pour que l’État intervienne (alors que d’autres l’ont fait).
Passer à d’autre chose
La société québécoise a une capacité d’indignation à géométrie variable. Il y a cinq ans, que des familles entières risquent de se retrouver à la rue à cause de la pénurie de logement était intolérable. Les médias ne parlaient que de ça et l’État organisait des mesures d’urgence et accélérait son programme de construction de logements sociaux. Aujourd’hui, cinquante personnes risquent de se retrouver à la rue et presque personne ne fait rien. La seule mesure annoncée est une aide financière ne s’adressant qu’aux familles les plus pauvres pris avec un « cas humanitaire ». Pour les autres rien. Ni hébergement, ni entreposage, ni aide à la recherche de logement. L’intervention gouvernementale a permis depuis cinq ans d’éviter le pire mais le problème n’est pas réglé. Loin de là. Il aurait fallu un grand chantier de logement social (dont la moitié en HLM!) pour faire face à la musique. Pourtant, les autorités sont passées à d’autre chose. Lorsque les lettres, les appels et les représentations polies ne donnent plus de résultats, il ne faut pas se surprendre que le mouvement pour le droit au logement passe lui aussi à « d’autre chose »…
(Texte soumis au comité de rédaction de l'Infobourg)
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