dimanche 21 janvier 2007

Celle qui se bat peut perdre, celui qui ne se bat a déjà tout perdu

Elles(*) sont 11 pour s’occuper à temps plein de 65 personnes âgées autonomes et semi-autonomes. C’est-à-dire pour donner les bains, surveiller les résident-es qui ont des troubles cognitifs, ranger les chambres et s’occuper de l’entretien en général, faire la bouffe, accompagner ceux et celles qui en ont besoin à la salle à manger et les servir, distribuer les médicaments, accueillir les visiteurs et répondre au téléphone. Elles travaillent aux Résidences Portland en Estrie et elles sont en grève depuis le 27 novembre dernier.

Elles veulent le respect et faire reconnaître que « travailler auprès de nos aînés mérite d'être valorisé ». Actuellement le salaire d’une préposée aux résident-es est de 10$ de l’heure. Les syndiquées des Résidences Portland voudraient une rémunération de base de 11 $ l'heure ou, si elle est atteinte, une augmentation minimum de 15 %. Même si on ne peut définitivement pas invoquer la concurrence chinoise dans ce cas, les propriétaires de cette résidence à but lucratif exigent des concessions et une baisse de conditions de travail. D’où la grève.

Se battre ensemble

Ce qu’il y a de particulier dans le cas des Résidences Portland c’est que la lutte s’inscrit dans une stratégie concertée des syndicats CSN du secteurs des résidences privées pour personnes âgées. Il y a deux ans, la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN a en effet lancé une campagne ayant pour thème : « Travailler auprès de nos aînés mérite d'être valorisé ».

Les syndiquées d'une cinquantaine de centres d'hébergement privés à but lucratif dénoncent avec cette campagne les piètres conditions de travail et les bas salaires qui sévissent dans ce secteur en pleine expansion (on compte près de 80 000 personnes âgées réparties dans 2200 établissements privés au Québec). Concrètement, les revenus de la très grande majorité des employé-es aux soins, dans les services alimentaires, à l'accueil et à la sécurité de même qu'à l'entretien ménager avoisinent le salaire minimum, très loin derrière ceux du secteur public. La rémunération des préposé-es aux bénéficiaires, par exemple, est inférieure de 40 % à ce qui est versé dans le réseau public. Cet écart est tout aussi grand chez les infirmières auxiliaires, à qui on demande une scolarité additionnelle et d'appartenir à un ordre professionnel. Quant aux jours fériés, aux congés de maladie et aux vacances, ils reflètent davantage les normes minimales du travail que ce que l'on retrouve dans le secteur public comme dans le secteur privé syndiqué en général. Enfin, les primes de soir, de nuit et de fin de semaine ainsi que les régimes de retraite et les régimes d'assurance collective sont à toutes fins utiles inexistants.


« Les employé-es œuvrant dans ces établissements qui accueillent de quelques résidents à des centaines sont aux prises avec des salaires de misère et des conditions de travail très difficiles qui ne sont pas sans rappeler celles qui prévalaient dans la santé et les services sociaux, il y a une trentaine d'années », explique Paolo St-Gelais, représentant du comité de négociation FSSS-CSN. Afin de changer les choses, les syndiquées ont adoptés plate-forme de base. Elles revendiquent une amélioration de leurs conditions de travail et un relèvement significatif de leurs salaires, soit une rémunération de base de 11 $ l'heure ou, si elle est atteinte, une augmentation minimum de 15 %. Des rencontres ont eu lieu pour adopter une stratégie et des plans d’action régionaux.

Une stratégie payante

À mi-course, on peut affirmer que la stratégie de négociation regroupée porte fruit. En effet, plusieurs syndicats régionaux ont réussi à imposer la plate-forme dans leurs négociations (c’est le cas du Saguenay-Lac-Saint-Jean, du Cœur-du-Québec, de Québec-Chaudière-Appalaches, de Montréal et des Laurentides). Alors que le gouvernement veut fermer des milliers de lits en soins de longue durée pour les refiler au privé, les syndiquées de ce secteur n’ont pas le choix de s’organiser si elles ne veulent pas être les dindons de la farce…

Il est encourageant de constater que malgré une très faible présence syndicale (environ 5%), les travailleuses peuvent développer des stratégies et faire des gains dans le privé. Espérons que les gains obtenus encouragerons d’autres groupes à se syndiquer et que les syndicats pourront s’imposer pour civiliser le secteur.

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(*)Comme les personnes qui travaillent dans cette industrie sont très majoritairement des femmes, j’ai choisi de parler d’elles au féminin (il va sans dire que mon féminin inclus le masculin sans discrimination…).

Photo: CSN

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