vendredi 16 février 2007

Sociologie politique : Dubuc remet les pendules à l'heure en ce qui concerne Montréal

Pierre Dubuc, le directeur de l'Aut'Journal, remet les pendules à l'heure en ce qui concerne Montréal. Intéressant...

Après le « mystère de Québec », le « mystère » de Montréal ?

Par Pierre Dubuc

Le journal Le Devoir du 10 février révélait le contenu d’un rapport ultra-confidentiel du Bloc québécois pour expliquer le « désastre » électoral des souverainistes dans la ville de Québec. Rédigé par la vice-présidente Hélène Alarie, le document parle de la perception de «l’impérialisme montréalais » véhiculé par le parti souverainiste. Selon Mme Alarie, une grande partie de l’électorat de la région Québec-Chaudières-Appalaches «ne voit pas nécessairement comme un modèle à imiter le Montréal multiethnique, le Montréal du village gai, le Montréal étonnamment anglais dans son centre ville, qu’ils découvrent à la télévision ou lors de visites dans la métropole. »

Cette image déformante et caricaturale de Montréal véhiculée par les médias est utilisée à des fins politiques pour creuser le fossé entre la métropole et les autres régions du Québec. Le «mystère » de Montréal est à la fois plus complexe et plus simple.

Au-delà du village gai, du kirpan et du voile islamique

Le village gai se limite à un territoire compris entre deux stations de métro (Beaudry et Papineau). Faut-il rappeler que le métro compte 65 stations et qu’il ne couvre qu’une infime partie du territoire de l’île de Montréal ? Selon l’Institut de la Statistique du Québec, la population gaie oscille entre 6 et 10% de la population et la majorité des gais de Montréal n’habitent pas et ne veulent pas s’identifier au village gai.

Le Montréal multiethnique est certes une réalité, mais Montréal demeure la métropole la plus homogène d’Amérique du nord. Les Blancs forment 86,8% de la population et 84% de la population se déclare de tradition catholique. Les Noirs constituent 3,9% de la population de l’île.

Avec le débat sur les accommodements raisonnables, les juifs hassidiques et les musulmanes voilées ont occupé beaucoup d’espace médiatique. Mais il y a à peine 10 000 juifs hassidiques à Montréal - ce qui représentent 12% de la communauté juive - et ils sont concentrés dans un quartier plus petit que le village gai.

Le nombre de musulmans s’élève à 109 000 personnes sur la population totale de plus de 1 million 812 mille de l’île de Montréal en 2001. De ce nombre, à peine 15 % se rendent à la mosquée à tous les vendredis. Seulement un quart des musulmanes porterait le voile. Les musulmans ne vivent pas en ghetto et résident partout dans l’île. Historiquement, les musulmans d’origine indo-pakistanaise, plus familiers avec la langue anglaise, se sont installés dans l’ouest de l’île, ce qui n’est pas le cas des arabo-musulmans francophones. Quant à la population sikh, elle s’établissait en 2001 à 8220 personnes et à peine 5% à 10% portent le kirpan.

Toute cette attention portée sur le village gai et les communautés ethniques occulte les clivages sociaux, linguistiques et politiques fondamentaux de Montréal. Remettons les choses en perspectives. Montréal n’est pas d’abord une ville anglaise, riche et homogène. Sur l'ensemble de l'île de Montréal, environ 53% de la population se déclare francophone, 29% allophone et 18% anglophone.

L’anglais toujours en position de force sur le plan socio-économique

La vieille fracture entre l’est de Montréal francophone et pauvre et l’ouest anglophone et riche n’est plus ce qu’elle a déjà été. Mais il est exagéré de croire que la loi 101 et l’exode des anglophones qui a suivi son adoption ont oblitéré les vieilles divisions.

À l’aide de documents produits par la Conférence régionale des élus, nous avons produit un tableau comparatif, basé sur les données de l’an 2000, des arrondissements (dont certains sont depuis des villes reconstituées) de l’ensemble de l’île selon les revenus et la langue parlée à la maison.

Dans les 27 arrondissements, il y en a 12 où le revenu moyen est inférieur à la moyenne montréalaise. Dans un seul d’entre eux, l’anglais est plus parlé que le français (29% versus 21%), soit l’arrondissement Côte-des-Neiges/Notre-Dame-de-Grâce où il y a une très forte concentration d’immigrants. Dans les 15 arrondissements où le revenu moyen est supérieur à la moyenne, il y en a une majorité (8) où l’anglais est la langue la plus parlée à la maison.

Les écarts sont considérables entre l’arrondissement anglophone de Westmount où le revenu moyen est de 142 660$ et des arrondissements à majorité francophone comme Mercier/Hochelaga-Maisonneuve (39 156$), Rosemont/Petite-Patrie (38 321$), le Sud-ouest (37 113$ ), Montréal-Nord (35 231$), Villeray/St-Michel/Parc-Extension (34 241$), tous bien en-dessous de la moyenne montréalaise de 49 452$. Des disparités de revenus qui se traduisent, par exemple, dans le fait que l’espérance de vie d’un homme résidant dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve est de onze ans inférieure à un résident de Westmount.

Pourquoi n’entend-on jamais parler du fait que 30% de la population montréalaise vit sous le seuil de la pauvreté ? Que ce chiffre comprend des travailleurs et des travailleuses, des «working poors» comme aux États-Unis, et où francophones et membres des communautés ethniques se retrouvent à partager le même sort?

Pourquoi ignore-t-on le Montréal des milieux modestes? ... Lire la suite

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