lundi 19 février 2007

Du grand journalisme...

Ce matin, le Journal de Québec titre en une « un record - nos fonctionnaires font 50 000$ en moyenne ». Suit un article de Michel Hébert, en page 5, intitulé « salaires dans la fonction publique - toujours plus haut! ». On y apprend que « l'austérité budgétaire que dit avoir imposé le gouvernement Charest a apparemment épargné les fonctionnaires, dont le salaire annuel moyen a grimpé tout au long du mandat lbéral, franchissant le seuil historique de 50 000$ en 2006. » L'utilisation de la moyenne, au lieu de la médiane, est profondément malhonnête dans le cas d'un groupe dans lequel existe de grand écart. Nous avons affaire là à un grossier exercice de propagande dont Quebecor a le secret. Voyons ça de plus près.

Le journaliste déblatère sur le salaire moyen des fonctionnaires en général et les augmentations du salaire moyen pendant la moitié du texte (4 long paragraphes). Ce n'est qu'au cinquième paragraphe qu'il introduit une première nuance: les occasionnels gagnent 34 365$ en moyenne et les étudiants et stagiaires 18 114$. Suivent deux paragraphes sur les « primes » et « allocations diverses » (forcément généreuses!) qui sont accordées aux fonctionnaires et sur le fait que malgré le gel des salaires, les fonctionnaires peuvent continuer de progresser dans les échelons. Finalement, au tout dernier paragraphe on détaille les salaires selon différentes catégories d'emploi.

Cet article est criant de mauvaise foi. Le commun des mortels ne retiendra que le titre (« nos fonctionnaires font 50 000$ en moyenne ») et, peut-être, que les fonfons se plaignent le ventre plein puisque leur salaire continue d'augmenter malgré les lois spéciales. Bref, on casse du sucre sur le dos des fonctionnaires. Le problème c'est que l'impression générale que laisse l'article est fausse parce qu'on compare des pommes avec des oranges. Au lieu de nous informer, on embrouille l'enjeu. Du grand journalisme!

La réalité n'est pas si simple

Dans un communiqué, le président général du Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ), Michel Sawyer, a réagit à l'article du Journal de Québec : « La croissance des salaires des ouvriers, du personnel de bureau et des techniciens est loin d'atteindre des sommets records, soutient-il, ce sont les salaires des cadres qui tirent la moyenne vers le haut. » En effet, la moyenne que cite le Journal inclue le salaire des cadres (83 490$) et des sous-ministres (122 697$). C'est d'une malhonnêteté crasse!

De fait, les salaires des dirigeants augmentent beaucoup plus vite que ceux des « simples » fonctionnaires. Dans une étude sur l'effectif de la fonction publique 2005-2006, le Secrétariat du Conseil du trésor indique que le salaire moyen des ouvriers, du personnel de bureau et des techniciens a augmenté de 4,6 % à 5,2 % entre 2002 et 2006, alors que le salaire moyen de la haute direction et celui des cadres ont augmenté respectivement de 15,3 % et 11,4 %. Ça, évidemment, le Journal ne le dit pas!

« Un 5 % d'augmentation salariale sur 5 ans, c'est loin d'être le Pérou, estime le président général du SFPQ, Michel Sawyer. C'est en dessous de l'Indice des prix à la consommation (IPC) et ça accentue l'écart salarial avec le secteur privé. »

Pour ce qui est des augmentations de salaire grâce à la progression dans l'échelle salariale, c'est de la foutaise. « La majorité de nos membres sont déjà au sommet des échelles de traitement, ce qui veut dire que leur salaire augmente seulement en fonction des clauses salariales dans les conventions collectives, précise le président général du SFPQ. De plus, dans le cas des ouvriers, ils sont rémunérés à partir de taux uniques, sans progression possible pendant toutes les années qu'ils occupent leur emploi ».

En passant

Je me demande comment réagirait Michel Hébert si j'écrivais un article sur ses conditions de travail. Après tout, c'est un journaliste permanent syndiqué dans l'un des médias qui paie le mieux au Québec! Saviez-vous, par exemple, que le journaliste travaille encore moins que les fonctionnaires qu'il dénonce? Eux font 35 heures en moyenne mais lui a la semaine de 4 jours! Et ça fait un bail qu'il gagne plus de 50 000$ par an (sauf que lui le mérite, j'imagine!). Moi je trouve que c'est payé pas mal cher pour écrire des articles à partir d'obscures études gouvernementales et/ou recopier des communiqués de presse... Ce serait mal vu d'en parler, n'est-ce pas? Mais jeter de l'huile sur le feu des préjugés contre les fonctionnaires, c'est sans doute garantir le droit du public à l'information...