lundi 13 août 2007

Vous avez dit démocratie?

En Allemagne, comme partout ailleurs dans le monde occidental (y compris au Canada), on interdit certaines grèves au nom de la sacro-sainte économie... À lire ce matin dans Le Devoir:

Allemagne: grève interdite pour les conducteurs de train

Berlin -- Une fois de plus en Allemagne, les intérêts économiques auront primé. La grève des conducteurs de train qui menaçait de paralyser le pays comme jamais depuis quinze ans a été interdite, mercredi 8 août, par la justice au motif qu'elle était trop lourde de conséquences financières. Les instituts économiques s'inquiétaient déjà de la centaine de millions d'euros au moins qui risquaient de se perdre chaque jour à cause de commandes non délivrées ou de marchandises bloquées sur les rails.

En vertu d'une pratique courante outre-Rhin, le tribunal du travail de Nuremberg, saisi en référé par la Deutsche Bahn (DB), a jugé non recevable le préavis déposé par le syndicat des conducteurs de locomotive (GDL), qui appelait à une grève illimitée pour revaloriser leurs salaires. Jusqu'à la fin septembre, les trains de fret et de passagers devraient rouler normalement.

À moins que le tribunal, qui devait se prononcer vendredi sur l'appel déposé par le syndicat, ne change d'avis. Le syndicat veut épuiser tous les recours possibles et menace de saisir jusqu'à la cour constitutionnelle pour défendre le droit à la grève inscrit dans la loi fondamentale allemande.

Excédé par l'attitude de la DB qui n'avait pas prévenu le syndicat de son recours en justice, le GDL a annoncé des débrayages jeudi matin dans les S-Bahn (trains de banlieue) à Berlin et Hambourg. «Nous tablons sur des perturbations massives du trafic», indiquait mercredi soir un porte-parole.

Le syndicat, emmené par le fils de cheminot Manfred Schell, s'était préparé au conflit, dès jeudi, pour le fret et à partir d'aujourd'hui pour les trains de passagers. Fort de ses quelque 12 000 membres, il allait, en pleines vacances scolaires, mener la vie dure aux millions de personnes qui utilisent quotidiennement la Deutsche Bahn, première compagnie ferroviaire européenne. Son président, Hartmut Mehdorn, annonçait qu'il réquisitionnerait des conducteurs, tandis que, conciliants, les usagers commençaient à s'organiser, notamment grâce au covoiturage, très populaire en Allemagne.

Revendications salariales

Manfred Schell est toujours prêt à miser gros, et il l'assure, «les caisses du syndicat sont pleines» pour tenir le piquet de grève le temps qu'il faudra pour faire plier la direction. Pour les 20 000 conducteurs, le GDL n'exige pas moins qu'une hausse de salaire de 31 % et une convention tarifaire spéciale, arguant que la Deutsche Bahn, en voie de privatisation, présente des excédents record.

Les conducteurs gagnent en moyenne 1500 euros nets à l'embauche, pour finir à 2200 en fin de carrière. Ceux des compagnies privées sont moins bien payés. Le GDL, qui réclame 2500 euros nets à l'embauche, se porte en faux contre un accord conclu début juillet entre la DB et deux autres syndicats en vertu duquel les salaires augmenteront de 4,5 %, mais seulement à partir de 2008.

La direction se dit prête au dialogue, soutenant l'idée d'en appeler à un médiateur. La directrice du personnel de la DB, Margret Suckale, qui, dans ce monde très masculin des cheminots, mène d'une main de fer la négociation, l'a encore redit mercredi. Plusieurs noms circulent déjà, dont celui de l'ex-secrétaire général de l'Union chrétienne-démocrate Heiner Geissler, connu pour sa fibre sociale.

Un autre homme politique, bien aux affaires celui-là, a clairement pris position. Bravant la tradition allemande qui veut que le gouvernement ne s'immisce pas dans un conflit salarial qui reste l'affaire des seuls partenaires sociaux, le ministre social-démocrate de l'environnement Sigmar Gabriel a appuyé les revendications syndicales .

«Il n'est pas correct qu'un conducteur de locomotive, qui endosse vraiment beaucoup de responsabilités, ne perçoive que 1500 euros nets», a-t-il lancé. Sans doute une manière pour le ministre, étoile montante du SPD, de s'afficher comme l'ami des travailleurs, au moment où son parti perd son électorat et ses membres au profit de La Gauche, nouvelle formation rassemblant les déçus de la social-démocratie et les néocommunistes.

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