vendredi 23 mars 2007

La CSN débat d'accomodement raisonnable

Lu sur le site de la CSN :

Sommes-nous allés trop loin avec les accommodements raisonnables ?

Profitant de la Semaine d’actions contre le racisme , le Comité confédéral sur les relations interculturelles et raciales de la CSN et le comité Immigration et relations ethnoculturelles du Conseil central du Montréal métropolitain ont invité mercredi midi deux spécialistes des accommodements raisonnables et de la place de la religion dans la sphère publique pour discuter de ces questions. Une centaine de salarié-es et d’élues du mouvement y ont pris part avec intérêt. S’il y a un débat qui doit absolument être mené dans le respect des valeurs d’ouverture et d’humanisme qui animent la CSN, c’est bien celui-là !

Quel genre de laïcité pour le Québec ?

L’inconfort à l’égard de certains accommodements raisonnables repose sur des divergences de vue à propos de la laïcité et de la primauté de certaines valeurs consensuelles, par exemple, l’égalité entre les hommes et les femmes. Le modèle québécois est plutôt original : rien à voir avec le modèle français ou turc où le port de tout symbole religieux ostensible en public est illégal. Au Québec, l’approche repose davantage sur la tolérance et la diversité, rappelle le spécialiste de la place de la religion dans la sphère public, Jean-René Milot. Cette conception toute québécois est actuellement critiquée. Certains souhaiteraient que nous nous rapprochions du modèle laïc français. Pour d’autres, le problème est dû au fait que, sous le couvert d’accommodements raisonnables, on encourage des pratiques contraires à nos valeurs. Ainsi, le port du voile peut être vu comme un outil d’oppression à l’égard des femmes et conséquemment une remise en question du droit collectif des femmes à l’égalité. S’en trouve ainsi bousculé un droit individuel.

À cet exemple précis, le professeur en sciences des religions de l’UQAM, répond que le port du voile en soi n’est pas synonyme d’oppression en vertu de la religion musulmane bien qu’il existe amplement d’exemples de femmes voilées victimes d’oppression. Il donne l’exemple de ces Tunisiennes à qui l’on défend de porter le voile dans leur pays d’origine et qui choisissent librement de le porter une fois au Canada.

Les accommodements de la charte

Le principe d’accommodement raisonnable remonte à 1985, rappelle Shirley Sarna, de la Commission de protection des droits de la personne et de la jeunesse. Au fil des causes en justice sur la base de la Charte canadienne des droits et libertés, les tribunaux ont défini les contours du concept d’accommodements raisonnables. Ils visent à traduire l’égalité de droit en égalité de fait. Ils s’appliquent lorsqu’une politique ou une pratique a pour effet de discriminer une personne en fonction de sa situation propre. Ce que l’avocate explique c’est qu’une politique uniforme pour tous ne veut pas dire que chacun est traité équitablement. Par exemple, on peut inviter tous les employé-es à une fête au deuxième étage mais s’il n’y a pas d’ascenseur, une personne en fauteuil roulant se trouve de fait discriminée puisqu’elle ne peut s’y rendre. Le concept fera consensus dans la plupart des cas. Là où cela semble choquer davantage c’est lorsque on l’étend aux convictions religieuses qui sont elles aussi garanties par la Charte des droits et libertés. En effet, lorsqu’on parle du voile, du kirpan, du haroub et plus récemment de la prière collective à la cabane à sucre, c’est toujours de religion qu’il s’agit. Se pourrait-il que le Québec souffre aujourd’hui de n’avoir pas débattu de la place du religieux dans l’espace public ? Notons que pour qu’un accommodement soit raisonnable, celui-ci ne doit pas constituer une contrainte excessive, ce qui prend en compte les coûts directs de l’accommodement, ses impacts sur le fonctionnement de l’organisation ainsi que son impact sur les droits et libertés des autres personnes concernées.

Parmi les participants, certains ont souligné les aspects particulièrement rétrogrades associés à toutes les religions, des aspects qui militent en faveur d’une laicité plus radicale, à la française. D’autres redoutent que cela ait pour effet de marginaliser, d’exclure davantage des personnes qu’on souhaite bien au contraire intégrer dans notre société. Enfin, le défi le plus déchirant pour les progressistes reste le port du voile. Comment concilier le droit de ces femmes de respecter les préceptes de leur croyance sans encourager une pratique qui, dans certains pays, est le symbole criant de l’oppression faîte aux femmes.

La CSN : partie de la solution

La CSN a salué la mise sur pied de la Commission Bouchard-Taylor qui travaillera sur ces questions. La centrale va faire sa part dans ce débat. Une nécessaire réflexion doit d’abord être menée à l’intérieur du mouvement. Ce qui importe dans ce débat c’est d’être capable de définir notre identité, comme peuple, une identité qui ne soit pas en opposition à l’Autre mais plutôt inclusive, et surtout, respectueuse. Le mouvement syndical a un rôle fondamental à jouer dans ce débat, ne serait-ce que parce que les accommodements raisonnables sont une réalité quotidienne dans de nombreux milieux de travail. Pour nous inspirer collectivement dans ce débat, voici un extrait de la déclaration de principe de la CSN : Il n'est pas de progrès qui ne passe par le respect de la personne, de son intégrité physique et psychologique. Il n'est pas de libération qui ne soit fondée sur la certitude qu'avant les concepts et les idéologies, il y a des hommes et des femmes en fonction desquels doit être orienté le développement économique et social.

Jean-Pierre Larche

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