jeudi 8 mars 2007

Bref rappel des origines du 8 mars pour se souvenir...

La liberté des femmes ne se légifère pas, elles se prend!

Tranche de vie : Qui ne s'est pas imaginé, étant jeune, dans un monde complètement différent, un monde nouveau où tout serait parfait... en l'an 2000.

Un peu d'histoire

Il ne s'agit pas ici d'être passéiste et encore moins nostalgiques, mais évoquer et comprendre les origines révolutionnaires de la journée des femmes peut certainement nous aider à mieux aller de l'avant... vers ce monde idéal. D'autant plus, que malgré tous les gains (attention à la démagogie ici!) que les femmes ont pu obtenir au cours des siècles, elles n'ont toujours qu'une petite place en marge de l'histoire et pourtant... Au fil des années, des femmes de partout dans le monde ont pris la rue, se sont pris le droit de grève, ont imposé leur droit de vote, ont crié haut et fort leur colère devant ce que nous osons encore appeler la justice... Au fil des années, des femmes ont fait briller des lueurs de révolutions. Tout ça dans leur vie et leur survie de tous les jours mais tout ça aussi un 8 mars.

Le début du 20ème siècle fut particulièrement marqué par un climat de crise et d'effervescence sociale. Pour le mouvement des femmes de plusieurs régions du monde et notamment pour celui du Nord-est des États-Unis c'est le début d'une véritable affirmation. Dès 1857, New York et Chicago sont pratiquement animés au rythme des grèves et les influences anarcho-syndicalistes et socialiste ne tardent pas à avoir leur effet sur les ouvriers mais aussi sur les ouvrières. Parmi des centaines d'autres, "l'épopée" d'Emma Goldman et le travail des Wobblies (1) permettent aux mouvements ouvrier et féministe d'afficher leurs revendications à la face du monde –ce qui leur permit d'obtenir des gains considérables- mais surtout d'inscrire les luttes (et les gains) dans des perspectives plus globales qui dépassent l'horizon législatif.

Le slogan "Du pain et des roses" trouve d'ailleurs son origine dans cette logique alors que des grévistes du textile (majoritairement des femmes) et les organisations anarcho-syndicalistes dont elles (et ils) faisaient parties revendiquèrent de meilleures conditions de vie matérielle mais aussi des roses qui représentaient le côté immatériel nécessaire à une réelle libération et qu'on ne peut trouver dans aucune loi mais dans un changement profond des mentalités. Et c'est dans ce contexte de protestation et d'activisme politique que naît la journée internationale des femmes.

Le premier appel pour un Woman's Day fut donc lancé en 1908 sur l'initiative des femmes du parti socialiste américain et pris la forme d'une manifestation pour le droit de vote et la reconnaissance des droits politiques et économiques des femmes. 2000 personnes marchèrent sur Manhattan et dés l'année suivante, le 28 février 1909, pas moins de 5 "Woman's Suffrage Demonstrations" sont organisés dans la seule région de New York et tiennent lieux de "Woman's Day". Le mouvement prendra par la suite de l'ampleur en 1910 sous l'impulsion des Wobblies et de la grève générale de 20-30 000 chemisiers et chemisières (dont au moins 80 % sont des femmes) de New York qui revendiquent un salaire décent et de meilleures conditions de vie. C'est la même année, quelques mois après les 13 semaines de grève qui soulevèrent les mouvements ouvrier et féministe que la IIème Internationale socialiste adopta à Copenhague une motion pour internationaliser le Woman's Day américain. Le 19 mars 1911 fut fêtée la première journée internationale des femmes, mais il faut attendre 1914 pour que soit tenu le premier 8 mars.



Autres temps, autres moeurs

La situation a bien évidemment changé (après tout n'est-on pas entré dans un nouveau millénaire (!!!!)) et il faut bien concéder que la lutte pour le droit de vote peut-être un peu dépassée dans notre société mais à quand le droit de choisir? Qui crie à l'égalité et jète le haro sur le mouvement féministe? Oui, les femmes ont obtenu le droit de vote -et donc le droit de s'abstenir- mais ont-elles pour autant le pouvoir effectif que toute personne devrait être en mesure d'exercer sur sa vie et sa société. En fait, les questions que soulève le mouvement féministe, loin d'être impertinentes ou désuètes, sont d'autant plus importantes alors que les pouvoirs en place semblent abandonner jusqu'à leur masque de démocratie. Oui, le mouvement féministe a permis aux femmes (du moins dans les sociétés occidentales) d'obtenir de nombreux acquis dans les domaines juridique, politique, économique et social mais l'égalité est loin d'être atteinte et les exemples de discrimination et d'exploitation nous viennent en tête par dizaines.

Pire, les gains obtenus demeurent soumis à la loi patriarcale. Une loi tente bien de donner l'équité salariale aux femmes, une autre leur permet de se faire avorter, une autre encore condamne les violeurs (enfin, c'est ce qu'on dit) mais il s'agit toujours d'aménager la vie des femmes autour d'un statut qu'on leur impose, de cocher les traits d'une fiche d'identité qu'on leur appose et l'existence même de ces lois confirme la spécificité qu'on leur garde. Les femmes, comme les hommes, ne sont pas des objets qu'on change de tablette de temps en temps ou qu'on dépoussière un certain jour de mars.

Tant qu'il y aura un capitalisme et un patriarcat qui s'allieront contre la population, il devra y avoir un mouvement féministe qui lutte et tant que nous devrons nous le rappeler, il devra y avoir un 8 mars. Cela étant dit, on en a assez d'une journée pour la conservation de la gente féminine comme on se rappelle parfois qu'il y a des animaux en voie de disparition. C'est le 8 mars, mais surtout tous les autres jours de l'année qu'il nous faut reprendre la rue... reprendre nos vies. Rallumons ces lueurs de révolution!



(1) L'IWW (Industrial Workers of the World) est un groupe syndicaliste révolutionnaire américain particulièrement important au début du siècle et le seul à syndiquer les ouvrierEREs non qualifiéEs (et donc beaucoup de femmes). Il fut durement réprimé au cours de la Première Guerre mondiale en raison de ses positions internationalistes et anti-patriotiques. (Voir notamment Guérin, Daniel, Histoire du mouvement ouvrier américain, Paris, François Maspéro, 1977

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Ce texte a été diffusé pour la première fois à Québec le 8 mars 2000 par feu le Groupe anarchiste Émile-Henry.

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