jeudi 28 décembre 2006

Flashback : 60e anniversaire de la grève à la Montreal Cotton

Il ne se passe rien de particulier cette année entre Noël et le jour de l'an au niveau syndical (pas de grève évocatrice comme la SAQ ou le Mont Tremblant). Autant en profitant pour s'instruire... En septembre le bulletin maoïste Arsenal Express publiait un texte pour commémorer le 60e de la grande grève du textile à Valleyfield (oui, je sais, c'est des maos... mais ils ne publient pas que des conneries...). Je me permet d'en publier ici un large extrait.





Il y a quelques jours, les journaux locaux ont rappelé la formidable bataille du 13 août 1946 à la Montreal Cotton. Plus qu’un événement à ranger au musée de l’histoire, plus qu’un haut fait syndical qu’il convient de rappeler, il faut surtout souligner l’impact politique de cette bataille.

Il faut le rappeler, les organisateurs et les ouvriers qui ont remporté cette victoire, l’ont remportée contre des ennemis puissants. Ils ont d’abord su se libérer des bureaucrates syndicaux américains puis des tenants du syndicalisme catholique de collaboration qui, soumis à l’intervention du Cardinal Villeneuve, avaient échoué en 1937.

En 1946, c’est une grève longuement préparée et extrêmement dure qui oppose les ouvriers, au patron de la puissante multinationale Dominion Textile, à l’évêché qui appuie sans réserve la compagnie et au gouvernement Duplessis qui combat violemment les organisateurs de syndicats et l’influence des communistes partout en province. Ce véritable régime de peur de Duplessis alliant l’État, les grosses compagnies et l’Église, on l’a appelé la « Grande Noirceur » au Québec. Maintenue dans l’obéissance et la misère, la classe ouvrière est réprimée durement chaque fois qu’elle ose résister à cette oppression.

À Valleyfield, avant 1946, les ouvriers avaient, pendant plus de 50 ans, tenté d’obtenir le droit de négocier des améliorations aux conditions de travail épouvantables, mais les patrons, ayant recours à la police et même à l’armée en octobre 1900, avaient réussi à les mater.

Ces gens ordinaires, nos grands-pères, nos grands-mères, vont réussir ce jour-là l’impossible en osant aller à contre-courant. Ils vont battre la police provinciale de Duplessis, la gang de fiers-à-bras de la compagnie et ses briseurs de grève épaulés par l’évêché. C’est en osant lutter pour vaincre leurs adversaires, en s’organisant pour gagner qu’ils ont remporté cette victoire.

Les 11, 12 et 13 août, 400 briseurs de grève sont recrutés dans quatre églises de Valleyfield. Le 13 août, escortés par une gang de fiers-à-bras dirigée par l’ancien chef de police de Valleyfield, ils réussissent à briser la ligne de piquetage et entrent de force dans la filature sous les yeux bienveillants de la police provinciale, dont le contingent a été renforcé pour casser la résistance au plus gros moulin textile du Canada, avec ses 3 000 employés.

La défaite ouvrière semble inévitable. Mais les dirigeants de la grève appellent tous leurs réseaux, toutes les forces disponibles de la population à se rassembler pour 11 heures, aux portes de l’usine Gault pour livrer bataille; c’est l’heure de la sortie des briseurs de grève. En deux heures, la foule passe à 5 000 personnes.

La police tente de frayer un passage aux briseurs de grève. Plus de deux heures de combat, entrecoupé de tirs de bombes lacrymogènes par la police sur les ouvriers et la foule, auxquels on répond aussitôt de façon disciplinée, une fois, deux fois par des volées de roches. Enfumée par le retour des bombes à l’étage de l’usine, deux fois la police lève le drapeau blanc et bat en retraite. Finalement, elle accepte de négocier la sortie définitive des briseurs de grève et des fiers-à-bras qui sont expulsés de la ville et escortés par des grévistes jusqu’à St-Timothée.

Il s’est produit l’impensable : méprisés par les capitalistes, leurs alliés et par les bureaucrates syndicaux de Washington, eux aussi contre cette grève, les gens ordinaires de Valleyfield et de la région, ont fait plier pour la première fois le régime de peur de Duplessis!

Cette bataille du 13 août fut le point tournant dans cette grève de trois mois Elle aura été le premier chapitre d’une longue guerre menée en grande partie par la classe ouvrière et qui va mener à la fin du régime Duplessis. Cette victoire a fait le tour du Québec et du pays. Elle a donné un coup de confiance à la classe ouvrière, contribuant à d’autres luttes courageuses qui ont suivi dans le textile, puis à Asbestos, Murdochville, Dupuis Frères et bien d’autres.


Source (et suite) : Arsenal express

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