Un pionnier de l'éducation ouvrière nous quitte
Par Fernand Daoust, Ancien président de la FTQ
Édition du mardi 23 octobre 2007
Le décès, la semaine dernière, de Jacques-Victor Morin a été souligné par un communiqué de la FTQ qui, sauf erreur, n'a pas été repris par les médias. C'est dommage parce qu'avec sa disparition le mouvement syndical perd l'un de ses pionniers de l'éducation ouvrière.
Né à Montréal en 1921, Jacques-Victor, ce petit-fils du concepteur des procédures de l'Assemblée nationale du Québec (son grand-père, le notaire Victor Morin, est l'auteur des procédures d'assemblées connues sous le nom de code Morin) est resté jusqu'à la fin la mémoire vivante du mouvement syndical d'après-guerre. Je l'ai personnellement connu et côtoyé à partir du début des années 50.
Secrétaire québécois de la Coopérative Commonwealth Fédération (CCF), dont il était membre depuis 1943, il faisait son entrée dans le mouvement syndical en assumant la permanence du Comité contre l'intolérance raciale et religieuse. Ce comité intersyndical des droits humains allait plus tard avoir comme secrétaire Bernard Landry.
C'est à partir de 1952 que Jacques-Victor allait commencer à jouer un rôle déterminant dans le mouvement syndical québécois. En effet, cette année-là était fondée la Fédération des unions industrielles du Québec (FUIQ), dont il fut le secrétaire exécutif jusqu'en 1957, année de fondation de la FTQ. Déjà très expérimenté en éducation populaire, Jacques-Victor insufflera un dynamisme remarquable à la jeune fédération. Grâce aux conférences, sessions de formation et émissions de radio qu'il organisait, la FUIQ eut une crédibilité publique sans commune mesure avec sa représentativité numérique.
Il faut se souvenir qu'il fut alors l'un des inspirateurs et rédacteurs du Manifeste de Joliette (FUIQ, 1954), qui ne prônait rien de moins que la création d'un parti ouvrier québécois, indépendant de la CCF canadienne. Après quelques années où il fut organisateur et négociateur syndical chez les Travailleurs unis des salaisons, il devenait directeur québécois de l'éducation au Syndicat canadien de la fonction publique. Nous devons à Jacques-Victor d'avoir fait de l'éducation syndicale un instrument essentiel de la lutte ouvrière. C'est pendant son passage au SCFP que ce syndicat très dynamique, déjà bien implanté dans les municipalités, allait connaître une croissance remarquable surtout en recueillant l'adhésion des travailleurs et travailleuses d'Hydro-Québec.
Jacques-Victor n'a jamais dissocié son engagement syndical de son engagement politique. Fondateur et principal animateur de la Ligue d'action socialiste à la fin des années cinquante, il était à nos côtés en 1963, lors de la fondation du Parti socialiste du Québec. Comme nous tous il allait plus tard rejoindre les rangs du Parti québécois.
Tiers-mondiste convaincu et convainquant, il fit des missions sous mandat de l'Organisation internationale du travail en Afrique et en Asie. Pendant dix-huit ans (de 1968 à 1986) il allait occuper les fonctions de secrétaire général associé de la Commission canadienne pour l'UNESCO. À sa retraite, il retournait à ses anciennes amours et travaillait à la relance et la revitalisation du service d'éducation du SCFP, qu'il avait mis sur pied deux décennies plus tôt.
Des hommes comme Jacques-Victor Morin, peu connus du grand public ou des syndicalistes d'aujourd'hui, ont pourtant contribué à construire de l'intérieur un mouvement syndical profondément enraciné dans la réalité québécoise et ouvert sur le monde.
Vendredi 2 novembre prochain à compter de 17h, parents et amis se réuniront au Centre Saint-Pierre-Apôtre, au 1212 de la rue Panet, à Montréal, pour lui rendre un dernier hommage.
mardi 23 octobre 2007
Un pionnier de l'éducation ouvrière nous quitte
Lu dans Le Devoir ce matin:
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