mardi 24 avril 2007

Un conflit qui amène son lot de questions... (bis)

Il n'y a pas que Ygreck qui se pose des questions sur l'avenir de sa collaboration au Journal de Québec pendant le conflit. D'autres 'free-lances' se sont également fait questionner par les journalistes du groupe Gesca.

« Je n’ai jamais franchi une ligne de piquetage de ma vie et, à 76 ans, je trouve que c’est un peu tard pour commencer, » a déclarée Lise Payette au Soleil. Comme la plupart des 'vedettes' qui signent des textes dans les journaux de Quebecor, c'est avec la direction du Journal de Montréal que la chroniqueuse a un contrat. Madame Payette a dit n’avoir « aucune idée pour le moment » si elle conservera sa signature dans les pages des journaux appartenant à Quebecor.

Sheila Copps, par contre, a décidé de continuer d'abreuver l'empire de ses chroniques politiques. Mme Copps argue qu'elle a un contrat de deux ans avec le Journal de Montréal et qu'elle n'a pas le choix de le respecter. « Ce sont eux (les dirigeants à Montréal) qui font la distribution (des chroniques que reprend le Journal de Québec). Je ne suis pas impliquée dans cela. Quand je signe un contrat de deux ans, je le respecte. Je n’ai pas le choix. Je n’ai même pas le droit légal (de le remettre en question), » a-t-elle déclaré au Soleil.

Quant à Joseph Facal, il se déclare mal à l'aise avec la situation mais encore indécis. « Je ne m’étais pas posé la question » sur la poursuite de la collaboration, a-t-il admis au journaliste du Soleil avant d'ajouter que « mérite réflexion».

Les chroniqueurs ont encore quelques heures pour se décider. M. Facal a un texte qui doit paraitre mercredi et Mme Payette jeudi. « Je me retrouve, malgré moi, dans une situation où, quoi que je fasse, ma décision sera interprétée favorablement par certains et défavorablement par d’autres », a lâché M. Facal. Dure position pour un ancien politicien!

Curieusement, personne n'a jugé bon de demander à Nathalie Elgrably, de l'Institut économique de Montréal, si elle allait continuer de signer sa chronique...

Ce qui apparait hallucinant dans toute cette affaire des collaborateurs qui ne savent trop quoi faire actuellement (incluant Martineau et Ygreck), c'est que tous avouent ne pas être au courant des enjeux qui opposent patrons et syndiqués dans ce conflit. Ça fait pourtant des années que l'on parle de convergence et des mois que l'on parle des projets de Quebecor et eux se réveillent un beau matin quand ça leur pête dans la face! Pas fort pour des journalistes...

Les syndiqué-es du Journal de Montréal, eux, se sont branché-es

Les syndiqué-es du Journal de Montréal, eux, n'ont pas branlé dans le manche longtemps. Selon La Presse, un grief a été déposé pour empêcher la publication de leurs textes dans le journal jaune que publient les cadres pendant le conflit. Le syndicat de la rédaction s'appuie sur une clause de sa convention collective qui stipule que « l'employeur ne peut demander ni ordonner à un salarié du groupe rédaction d'effectuer du travail qui sera acheminé en tout ou en partie à une entreprise de Quebecor où un salarié exerçant la même fonction est en grève ou en lock-out. » C'est sur que dans ce contexte, avec une telle clause dans la convention, la décision est plus facile à prendre pour les syndiqué-es que pour les 'free-lances' (c'est justement là l'intérêt d'être syndiqué! Malheureusement, c'est pas donné à tout le monde...).

Des annonceurs aussi se posent des questions...

Notons finalement que même certains annonceurs se posent des questions sur la poursuite de leur collaboration pour la durée du lock-out. La direction d'Ameublement Tanguay n'est pas certaine de continuer à acheter de la pub pendant le conflit. « C'est un média dont on se sert pour annoncer. Mais c'est un média controversé, a expliqué Jacques Tanguay à La Presse. Le but de la publicité, c'est la notoriété. On préfère s'éloigner de la controverse. »

À propos de salaires...

La direction de Quebecor a lancé dans la nature des chiffres concernant notamment les salaires des journalistes du Journal de Québec (plus de 80 000$). Le but de la manoeuvre est transparent : l'idée est de faire passer ses syndiqué-es pour des « gras dur » (ce qu'ils sont effectivement). Outre le fait que Quebecor joue avec les chiffres (en incluant dans le salaire le temps supplémentaire et les avantages sociaux), il est intéressant de mettre le tout en perspective.

Le Trente, la revue de la Fédération professionnelle des journalistes, publiait récemment un dossier spécial sur le prix de l'info dans lequel on comparait justement les salaires dans les différentes boites syndiquées. Il en ressort effectivement que si les journalistes du Journal de Québec sont effectivement très bien payé, ils sont quand même dans la moyenne.

Concrètement, il y a quatre planques en or pour les journalistes de la presse écrite soit Le Journal de Montréal, La Presse, Le Journal de Québec et Le Soleil. Dans ces journaux, l'échelle salariale des journalistes syndiqué-es varie entre 35 412$ et 89 587$. Le Journal de Québec occupe la troisième position au chapitre des conditions de travail. Ce qui n'est que normal quand on considère que c'est le troisième journal en importance au Québec.

Depuis 2001, les journalistes syndiqué-es n'ont pas améliorés leurs conditions de travail. Les salaires ont suivi l'inflation. Rien d'extravagant. Le hic c'est que les conditions des quotidiens payants ne sont plus l'étalon. Si les journalistes du Journal de Québec aiment bien se comparer à ceux et celles du Soleil, la direction de Quebecor, elle, regarde plutôt du côté de 24 heures (son quotidien gratuit) où les journalistes (non syndiqué-es) sont payés... 27 000$!

D'après les grands de ce monde l'avenir du journalisme est plus du côté de la convergence et des conditions du 24 heures que de celle du Journal de Montréal. Le scandale n'est pas tant le salaire des journalistes du Journal de Québec (qui sont très bien payés) mais plutôt le fossé qui se creuse de plus en plus entre deux classes de journalistes : les précaires et les permanent-es (et on ne parle même pas des pigistes dont les tarifs sont restés les mêmes, en chiffres absolu!, depuis 20 ans). L'enjeu du conflit est là : Quebecor veut précariser son monde. Pourquoi? Tout simplement parce qu'ils veulent faire encore plus d'argent.

Et moi?

Moi aussi je me pose des questions sur ce conflit. À priori je serais solidaire, mais en même temps il ne faudrait pas oublier que le Journal de Québec est l'un des principaux vecteurs de la montée de la droite, du populisme et de l'anti-syndicalisme dans la région de Québec. Sans parler des salaires et de la grande solidarité dont on fait preuve ces journalistes dans le passé, et de leur grand sens de l'éthique, et... Mais là j'ai pas le temps. Une autre fois, peut-être.

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